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Sur le thème Instant éphémère
Mots choisis : Assis, voir, Goutte, Brouillard, Parallèle, Vide, Sauvage, Monde,Imagination, Éphémère
La Ride
Face au miroir sans tain
Je contemple un monde inconnu,
Un monde où l'espoir est éteint,
Un monde au sol désespérément nu.A travers un brouillard traître et mouvant
Comme une nappe d'incertitude vide de vie,
Deux taches noires sauvages pleines d'envie
Me fixent. Me jugent. Me parlent d'avant.Ce monde parallèle m'est pourtant familier.
Je le reconnais derrière les gouttes salées.
Mon imagination, ma si proche et fidèle alliée,
Ne veut plus me mentir, ni même me consoler.Sur ce paysage nu, un sillon profond et sombre,
Une éphémère ride annonce les heures sombres.
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Il est là ! Il est de retour !
Chétif, malingre, il reste pourtant droit comme un i vert avec ce point rouge qui le distingue de l'herbe qui a envahi mon jardin.
Il n'a pas les lettres de noblesse d'une Papa Meilland, il n'a pas le snobisme de l'orchidée que l'on serre à part soi en la soignant comme une grande malade en devenir.
Héros de l'ombre, il fut des mouvements de résistance quand associé à d'autres modestes, marguerites et bleuets, il se faisait étendard d'une nation souffrante.Tout en modestie, il brandit sa coiffe un peu fripée couronnant cette tige qui appelle l'épilateur.
Mais bien fol qui se fie à son apparente fragilité !Qu'importe qu'on le boute hors des villes et des villages !
Qu'importe qu'en un combat inégal on lance contre lui bulldozers et pelleteuses, blindés contre lilliputien ! Qu'importe qu'on le couvre de dalles !Sous son air souffreteux le coquelicot cache une âme de conquérant ! Il revient à la conquête de son territoire, encore et encore et pour peu qu'on lui en laisse le temps, il passe le flambeau à ses enfants pour aller se pousser du col sur un nouveau sol.
De toutes les fleurs, le coquelicot
Est le héros !
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Feindre de découvrir les problèmes raciaux, ici ou à Minneapolis, c'est nier une réalité qui remonte à la genèse du colonialisme, quand le nègre (comme la femme) n'avait pas d'âme. Ce n'est pas parce qu'un jour on fit du mot nègre une insulte, le bannissant du vocabulaire, qu'on a banni le poison du racisme et de l'intolérance.
Qui mieux que le grand Aimé Césaire pour en parler...Ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole
ceux qui n'ont jamais su dompter la vapeur ni l'électricité
ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel mais
ceux sans qui la terre ne serait pas la terre [...]ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'oeil mort de la terre
ma négritude n'est ni une tour ni une cathédraleelle plonge dans la chair rouge du sol
elle plonge dans la chair ardente du ciel
elle troue l'accablement opaque de sa droite patience.Eïa pour le Kaïlcédrat royal !
Eïa pour ceux qui n'ont jamais rien inventé
pour ceux qui n'ont jamais rien exploré
pour ceux qui n'ont jamais rien domptémais ils s'abandonnent, saisis, à l'essence de toute chose
ignorants des surfaces mais saisis par le mouvement de toute chose
insoucieux de dompter, mais jouant le jeu du monde
véritablement les fils aînés du monde
poreux à tous les souffles du monde
aire fraternelle de tous les souffles du monde
lit sans drain de toutes les eaux du monde
étincelle du feu sacré du monde
chair de la chair du monde palpitant du mouvement même du monde !
Tiède petit matin de vertus ancestralesSang ! Sang ! tout notre sang ému par le coeur mâle du soleil
ceux qui savent la féminité de la lune au corps d'huile
l'exaltation réconciliée de l'antilope et de l'étoile
ceux dont la survie chemine en la germination de l'herbe !
Eïa parfait cercle du monde et close concordance !Écoutez le monde blanc
horriblement las de son effort immense
ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures
ses raideurs d'acier bleu transperçant la chair mystique
Écoute ses victoires proditoires trompéter ses défaites
écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement
Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs !Aimé CÉSAIRE, Cahier d'un retour au pays natal, 1947
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Ma mère.
Mot sucrerie
Qui fond sur la langue,
Gourmandise amère,
Mot au goût de suri
Qui me laisse exsangue.Ma mère.
Souvenir deux Noëls,
Somptueux. Uniques.
De gros câlins. Sans pareil,
Avant l'orage. Homérique.
Peur de cet amour pervers.Ma mère.
Si souvent hystérique,
Toujours exigeante,
Parfois mystique.
À la tendresse violente
Qui brûle et lacère.Ma mère,
Me manque à vie.
Sur mon cœur, un hématome.
Sans elle, je survis,
Sans toi, ma Mère,
Sans toi, ce fantôme.
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