• Choisir le camp de l'humour

    En visitant le blog de FredCloclo, je parlais de mon émerveillement devant la capacité que nous avons à tourner en dérision jusqu'aux situations les plus dramatiques auprès des quelles notre crise sanitaire est une gaudriole.
    Une anecdote, transmise par une ancienne détenue du camp de concentration de Ravensbrück à Christian Bernadac, m'est revenue à l'esprit. Elle illustre cette incroyable volonté qui nous est propre.

    Kommando de Ravensbrück

     

     

    Dans un kommando affecté à l'assèchement d'un marais, un groupe de déportées est chargé d'extraire de vieilles souches d'arbres profondément enracinées dans la vase.
    Pour ces femmes amaigries, marquées par les coups, la tâche est inhumaine et chacune profite des rares moments d'inattention des surveillantes et des kapos pour souffler un peu. C'est ce que fait Marie, jeune Toulousaine enjouée qui prend quelques secondes pour s'appuyer sur le manche de sa pioche afin de combattre les vertiges dus à la malnutrition.

    Las ! L'Aufseherin la voit et lui fonce dessus, le gummi prêt à frapper. Mais la SS arrête son geste :

    - C'est toi la Française qui apprend l'allemand ?
    - Oui, lui répond Marie qui attend les coups.
    - C'est bien ! Tes camarades devraient faire comme toi, elles comprendraient mieux les ordres et ça nous éviterait de devoir les battre ! Vous, les Françaises, vous êtes trop paresseuses !
    - Je leur dirai, promet la Toulousaine, toujours persuadée que la volée de coups va lui tomber dessus.
    - Je veux bien moi aussi faire un effort, reprend l'Allemande. Comment dit-on en français "Travaillez plus vite !" ?
    Prise de court, Marie lui répond :
    - Ça se dit "Vas-y mollo !".

    Panique ? Trait d'humour potache ?
    Toujours est-il que depuis ce jour les nouvelles Françaises affectées au kommando, stupéfaites, voyaient cette femme leur foncer dessus et les tabasser en leur hurlant "Vas-y mollo, schweinerei3 ! Vas-y mollo !" sous l'œil rigolard des autres déportées, malgré la peine qu'elles ressentaient pour leur compagne de misère molestée. Et à Ravensbrück, rire ou sourire était un acte de résistance.

    Quelques temps plus tard Marie eut la surprise de voir la surveillante SS lui foncer dessus et elle s'attendait au pire, le prix de sa blague. Mais l'Aufseherin lui offrit une méthode pour apprendre l'allemand et... deux tartines de pain. Un trésor dans un camp.

     

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  • Commentaires

    1
    Mardi 16 Mars 2021 à 09:13

    Bonjour

     

    oui le rire pour éviter le pire

    pour ne plus ressentir,

    ne plus souffrir

    un peu de rire

     

    et meme la en temps durs

    en ces temps de guerre,

    le rire a fait une merveille d'aventure

    dans une vie autoritaire et austère

    2
    Saby
    Lundi 4 Avril 2022 à 11:54

    Devant le pire on se découvre une force de sourire et de tout démystifier que l'on aurait jamais imaginé avant. Je ne peux parler que de l'exemple de la maladie, n'ayant pas connu la guerre, mais j'ai aimé lire cette anecdote.   

    3
    Dimanche 10 Avril 2022 à 09:58

    Coucou,

    impensable force de la survie ! 

    (et non moins excellent "titre d'article")

     

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