• Sa Majesté des mouches

    Sa Majesté des mouchesIl y certains livres qui vous marquent à jamais et qui parfois, une fois refermés, vous laissent un sentiment de malaise qui s'atténue et ressurgit avec force au fil des circonstances.

    Sa Majesté des mouches* (Lord of the flies) est de ceux-là.
    Je l'ai ouvert en 1976 et lu presque d'un traite. J'étais adolescente mais depuis cette lecture mon regard sur les enfants a changé définitivement et en élevant les miens, en les observant, j'ai pu constater à quel point William Golding avait frappé juste.
    J'ignore quel aréopage de crétins a pu classifier cet ouvrage dans la catégorie "Livres pour la jeunesse" mais ce choix est peu judicieux !

    Son auteur, William Golding, né en 1911, obtint son diplôme de littérature anglaise à Oxford.
    Il commence sa carrière d'enseignant en 1939 à Salisbury dans un établissement populaire. Mobilisé en 1940, il participe au débarquement de Normandie. Démobilisé en 1945, il reprend son poste d'enseignant à Salisbury. En 1962 il se retire à la campagne pour se consacrer à la littérature.
    William Golding n'a aucune illusion sur la société, ni quant à l'influence bénéfique de la civilisation sur la barbarie de l'homme, ni sur lui-même : "J'ai toujours compris les nazis, parce que par ma nature, je ne suis guère éloigné d'eux". Il voue également une haine farouche au système de classes britannique, rêvant même de faire sauter le très noble collège d'Eton !

    A défaut de dynamiter ce collège, ses ouvrages dynamiteront le mythe de la stabilité des civilisations européennes et celui du bon sauvage.

    Mais revenons-en à  Sa Majesté des mouches.

     

     

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    Au milieu des années 50 un avion transportant un groupe d'écoliers anglais de six à treize ans, s'écrase près d'une île du Pacifique. Aucun adulte n'a survécu et les enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes pour organiser leur survie sur cette île déserte.

    La première urgence de réunir tous les enfants. Un des plus grands, Ralph, trouve une conque et souffle dedans pour appeler les enfants dispersés. Ce coquillage est une trouvaille : d'une part elle symbolise sa capacité de rassembleur puis elle devient celui du partage démocratique de la parole. Tout naturellement les enfants font de Ralph leur chef.
    Posé et rassurant, il s'attelle à la tâche peu aisée de mettre un peu d'ordre et de poser les bases de fonctionnement de leur petite société en y appliquant les principes de la société dont ils sont issus : démocratie, égalité, responsabilisation, mais aussi ordre et discipline. Pas facile avec une bande de garnements, ravis d'être débarrassés des contraintes imposées par les adultes ! Avec l'accord de tous, il répartit les tâches dont chacun devra s'acquitter : les plus forts sont chargés du ravitaillement, les "moyens" construiront leurs abris et entretiendront leur campement, les petits quant à eux sont dispensés de corvées.
    Ralph est persuadé qu'ils seront secourus et il décide qu'un grand feu devra être allumé et entretenu sur une pointe de l'île. Le groupe des plus forts en sera responsable.

    Comme dans tous les groupes d'enfants, il y a le souffre-douleur et les petits robinsons n'échappent pas à la règle avec leur victime toute trouvée, le petit  "Piggy" (Porcinet en français). C'est l'intello du groupe, myope comme une taupe, asthmatique et obèse de surcroit. Conscient de cumuler les handicaps, il se rapproche de Ralph et par ses avis éclairés il en devient l'ami et le conseiller.

    Au début tout fonctionne plutôt pas mal, même si toute cette petite troupe est plus encline à s'amuser d'autant qu'il n'y a plus d'adulte pour les en empêcher. Mais ils acceptent l'autorité du chef qu'ils se sont choisis et grâce à la sagesse de Ralph et Piggy, un embryon de société civilisée se dessine.
    Mais petit à petit ce fragile équilibre va chanceler.

    A la tête des plus forts, Jack a du mal à supporter l'autorité de Ralph et sa personnalité va s'affirmer au fil des jours. Dangereusement.
    Agressif, pessimiste, il compense un physique ingrat par sa personnalité despotique et sa force. Il règne en maître sur ceux qu'il appelle ses "chasseurs". L'île regorge de cochons sauvages et bientôt ce qui n'était que chasse devient une passion dans laquelle ils expriment leur sauvagerie.
    Oublié le feu qui devait les signaler à un éventuel bateau croisant au large ! Et ce sera la source du premier conflit ouvert entre les deux garçons, le jour où effectivement un navire passe à proximité. Devant la colère de Ralph, Jack feint l'apaisement et invite tous les enfants à se régaler du cochon qu'il vient de tuer. Durant tout le repas il se vante de ses exploits de chasseurs, devant des gamins fascinés.

    La découverte du corps d'un pilote abattu, agité par les vagues, sème la panique chez les enfants qui s'enfuient devant "Le Monstre"... y compris Ralph.
    Jack dénonce la poltronnerie de ce dernier et tente d'obtenir sa destitution, en vain. Un des garçons, Simon, fidèle à Ralph, décide repartir là où ils ont trouvé le corps pour voir de quoi il retourne vraiment.
    Tandis que Ralph est parti alimenter le feu, Jack revient au camp avec une truie que son clan a tuée et devant les autres enfants il l'évide et la dépèce puis il plante sa tête sur une pique. Il part rejoindre Ralph et son groupe pour l'inviter à un nouveau banquet, ce que Ralph finit par accepter. Mais il n'y aura pas de réconciliation.

    A son retour Simon découvre l'horrible totem à présent recouvert de mouches et, terrifié, il le baptise "Sa Majesté des Mouches". Lord of the Flies est le nom anglais de Belzébuth, un des noms du Diable dans la Bible.
    Le festin bat son plein et les enfants semblent entrés dans une sorte de transe.

    La suite ?

    Je ne vous la dévoilerai pas ici, mais ce dernier festin est l'instant où l'équilibre précaire de cette communauté bascule dans le monde de la cruauté enfantine qui s'est insidieusement développée hors de la tutelle des adultes.

    On est bien loin du moralisateur The Coral Island qui, au XIXème siècle narrait une histoire similaire mais où les braves petits enfants britanniques venaient à bout de vilains pirates et d'affreux sauvages, tout pétris qu'ils étaient des principes de leur éducation !
    Ici au contraire, William Golding qui rappelons-le connait bien les enfants, met le doigt sur leur cruauté innée (ou génétiquement acquise ?) et la fragilité des règles civilisées dès lors où on laisse s'installer la domination des plus forts.

    Un livre simple à lire (mais que, définitivement, je ne conseille pas pour les moins de 14 ans), captivant, terrifiant qui amène à regarder nos chères têtes blondes avec une objectivité glaçante et à nous remettre en question quant à notre rôle et notre poids d'éducateurs.

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 13 Juillet 2020 à 17:25
    Lydia

    J'avais apprécié ce livre mais c'est vrai que c'est glaçant ! 

    Bonne fin de journée.

    2
    Mardi 14 Juillet 2020 à 09:26



    Bonjour

    un classique anglais et un roman que je connais,

    c'est assez terrifiant de voir ce qu'on peut etre, devenir

    si on doit rester en etat de nature sauvage, livré a soi meme

    tout de la nature inconsciente de l'humain ressort en un etat sauvage obligé

     


    je te souhaite un bon 14 juillet
    et avec le soleil toujours là pour nous enchanter



    3
    Vendredi 17 Juillet 2020 à 09:17

    Salut

    petit tour de ce vendredi

    pour te souhaiter un bon et beau weekend

    et du soleil pour bien profiter de cet été

    4
    Mardi 11 Août 2020 à 13:30

    Un livre que je relis tous les 4-5 ans, comme Paroles de Prévert mais pour d'autres raisons. L'adaptation cinématographique réalisée par Peter Brook est très forte également. Ravi de partager les mêmes goûts !

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