• Atelier 132 (Ghislaine) - Le looser

    Atelier 132 du 30/08/2020

    Les 8 mots à placer : perdre, pari, avaler,galop,vivre,aussi,dans,avec

     

    Longchamp après rénovation

     

     

    Le Looser

     

    Gino fit un signe à Martine qui lui servit un sixième Ricard. Il versa un peu d'eau sur le glaçon et regarda l'anisette se brouiller presque aussi vite que ses idées. Autour de lui les clients riaient, s'amusaient avant de se disperser pour le repas dominical. Lui imaginait déjà son retour à l'appartement où Agnès l'attendait avec la petite et il savait que la soupe à la grimace serait au menu.
    Il prit son verre et l'avala d'une traite, presque à la régalade et il en comman-da un autre. Il attendait. Quoi ? Un miracle, un signe ou que la foudre lui tombe dessus. Il entrevit une lueur d'espoir en apercevant Jean-Yves et sa femme entrer dans le bar :
    - Hey ! JP ! Vous prenez un verre ?
    Le couple le rejoignit et Martine les servit. Gino saisit son septième Ricard et cette fois le but un peu moins vite.
    - Dis-moi JP, ça fait un bail qu'on est potes, pas vrai ?
    - Comme tu dis, ça fait depuis la maternelle !
    - Je ne t'ai jamais demandé de service mais là j'ai vraiment besoin de ton aide, mon ami.
    Jean-Pierre fixa Gino, sans illusion :
    - Combien ?
    - Deux mille euros. Je te les rends le mois prochain, promis.
    Jean-Pierre secoua la tête, paya la tournée et planta Gino sur place non sans lui avoir souhaité bonne chance. Il le connaissait suffisamment bien pour refu-ser de l'aider. Gino commanda un huitième verre et le but d'un trait. Il régla et quitta le bar. Il n'y avait pas eu de miracle.

    La veille il avait vidé tous les comptes y compris le livret de leur petite fille, tout ça pour gratter à peine cinq mille euros. Mais il avait fait un rêve et c'était une certitude : cette fois la Chance serait au rendez-vous. Il en était tellement convaincu qu'il était allé directement à Longchamp où se courait la plus prestigieuse couse de galop, le Prix de l'Arc de Triomphe. Il avait joué sur d'autres petites courses et ces paris lui avaient rapporté presque cinq cents euros ! C'était le signe que son rêve allait enfin se réaliser. Il se replongea une dernière fois dans les pronostics puis fit plusieurs paris sur la course, jouant presque tout ce qu'il avait, ne gardant que cinquante euros.
    Debout dans les tribunes, il vivait la course au rythme du battement des sa-bots. Les chevaux filaient comme des flèches sur l'herbe verte, portant avec eux les promesses faites à Agnès : quitter leur hideuse HLM pour vivre heureux dans une maison où la petite aurait enfin sa chambre, une nouvelle voiture, une vie tranquillement heureuse. Mais il n'y eut pas de miracle.
    Il allait devoir expliquer à sa femme que non seulement les cinq milles euros avaient été piétinés par les chevaux mais aussi qu'ils avaient près de dix milles euros de crédits à rembourser, souscrits en cachette pour jouer et jouer encore. Ingrate, elle ne se rendrait même pas compte qu'il avait fait tout ça pour elle.
    Toujours assis dans la voiture, il réalisa qu'il venait de perdre bien plus que de l'argent. Ce n'était plus qu'une question de jours avant qu'Agnès découvre l'é-tendue du désastre dont il était la cause et elle le quitterai sur le champ en emmenant leur fille. Il démarra et rejoignit la nationale.
    Quand il vit le mur massif de la Villa Bleue il enfonça l'accélérateur et misa sa vie dans son ultime pari.

    « Atelier 13, sujet 5 : Mala la Belge1984 - George Orwell »

  • Commentaires

    1
    Lundi 31 Août 2020 à 15:23
    Renée

    Bravo magnifique texte une addiction couteuse et souvent avec des conséquence dramatique...comme ici. Amitiés et bonne semaine

    2
    Lundi 31 Août 2020 à 15:33

    Ah ces joueurs compulsifs qui croient toujours à la martingale du miracle et de la richesse, ces personnes accros au jeu et souvent malades car les psy en conviennent aussi......Souvent ils perdent tout jusque leur chemise comme on dit !

    Un sujet que tu as traité non sans humour réaliste aussi !

    Ce sont souvent des gens qui se retrouvent seuls ayant tout perdu, famille, amis et maison et surtout dignité !

    Merci beaucoup pour ce bel atelier que je suis heureuse de lire.

    Bonne semaine amie des mots...

    3
    Lundi 31 Août 2020 à 16:04

    C'est une maladie quant on joue à ce point là et ce ne sont pas les 8 verres de Ricard qui vont arranger les choses. 

    C'est malheureusement assez courant et c'est triste. 

    Bon mois de septembre.

    4
    Mardi 1er Septembre 2020 à 08:15

    Situation très bien décrite ! Tout y est .. non seulement les mots imposés mais aussi cette descente aux enfers tant du point de vue de l'alcoolisme, que de celui du jeu.... 

    Triste société !!!!! Mais défi bien relevé ! 

    gros bisous

     

    5
    Mardi 1er Septembre 2020 à 09:40

    Bonjour

    encore un superbe texte

    pour prendre conscience de ces addictions qu'il est si dur de quitter,

    des cures existent mais il faut que la personne le veuille

    merci de ce triste constat d'un oublié de la chance et d'un mauvais joueur de la vie, de sa vie

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    6
    Mercredi 2 Septembre 2020 à 12:01

    Bonjour Pixelie bravo pour ton écrit

    tu écris bien, encore bravo pour tes mots

    Belle journée et bisous

    Elyci

      • Mercredi 2 Septembre 2020 à 12:16

        Merci douce Elyci pour ce compliment... même si c'est loin d'être mon meilleur texte ! he

        Bisous

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